Les Aventures de Manon et John : L’Escapade
Troisième partie
Le soleil se levait à peine lorsque Manon ouvrit les yeux. Une lueur filtrait à travers la fenêtre crasseuse. Son front se plissa, un mal de tête lui martelant le crâne. Elle tenta vainement de bouger ses mains, mais une corde solide les retenait aux barreaux de l’inconfortable chaise de bois à laquelle elle était attachée.
La porte s’ouvrit brusquement. Madame Zubrowka entra dans la pièce, portant un verre d’eau et une assiette de biscottes. Manon ferma les yeux et tenta de supplier son bourreau de la détacher en geignant, mais la vieille dame lui assena un coup dans la figure. La jeune femme s’évanouit.
***
John contempla le paysage d’un air songeur. « Pourquoi le ciel est-il si bleu alors que ma tendre amour n’est pas à mes côtés ? », se demanda-t-il en écossant des pois. Un mouvement furtif à son côté le fit sursauter. Le bol de pois tomba sur le sol.
-Maman, mais qu’essaies-tu de faire?
-Ah mon petit poussin, lui dit-elle, penchée pour ramasser les pois. Tu es bien maladroit ces jours-ci… Mais que t’arrive-t-il donc ?
Le jeune homme soupira. Il préféra ne pas répondre et s’enfuit plutôt dans sa chambre. Il saisit son journal et sa plume, et se lança sur le lit, la rage au coeur.
Le 20 novembre
Je me meurs. Je me meurs sans le souffle vital que requiert mon corps éploré pour vivre. Je me meurs sans la douce fleur que requièrent mes yeux embrouillés pour vivre. Je me meurs sans l’âme que requiert la mienne pour vivre. Je me meurs sans elle. Je me meurs sans Manon.
En sanglots, John ferma son journal qu’il posa sur sa table de chevet. Puis, animé d’un élan chevaleresque, s’empara d’un sac de voyage qu’il emplit de vêtements et courut à la gare. Direction : sa bien-aimée qu’il devait récupérer coûte que coûte.
***
Gérald bailla. D’un geste lourd, il frappa son réveil qui tomba en mille miettes. Le jeune homme s’étira, et alors qu’il se levait lentement, un bruit dans l’appartement voisin attira son attention. Du verre qui se cassait… Des pleurs étouffés… Gérald haussa les épaules et se prépara machinalement pour une autre journée de travail, après avoir délicatement embrassé la photo de Manon qui traînait sur sa commode. Il soupira.
***
Madame Zubrowka ouvra la porte de son appartement. Elle observa Gérald qui marchait lugubrement vers l’ascenseur. Il la salua d’un geste poli et s’apprêtait à tourner le couloir lorsque la dame l’héla.
- Voisin ! Avez-vous entendu un bruit bizarre, ce matin ?, demanda-t-elle d’une voix perçante.
- Hmm, et bien, oui, en effet, il me semble avoir entendu quelque chose, répondit-il, hésitant.
- Bah, ce n’était que mon chat qui a fait tomber un verre.
La dame claqua la porte de son appartement, laissant là un Gérald déconcerté.
***
Manon s’efforça de penser clairement. La migraine et les coups assenés par madame Zubrowka n’avaient certainement pas aidé à débrouiller ses esprits. Elle entendait vaguement la dame s’activer dans les autres pièces de l’appartement et redoutait une nouvelle attaque lorsque la dame entra en trombe dans la pièce où la jeune femme était gardée captive.
- Tu te demandes peut-être ce que tu fais ici, pourquoi je te garde enchaînée depuis un bon mois, n’est-ce pas ?, hurla la vieille dame d’un ton diabolique.
Une larme coula sur la joue sèche de Manon. Elle hocha la tête, incapable de ne serait-ce que gémir.
- Et bien, ma petite, sache que… Elle se racla la gorge et toussota. Sache que je suis la vraie mère de ton amant John, reprit-elle. Et je ne te laisserai pas lui ruiner la vie comme ça!
Madame Zubrowka assomma Manon d’un coup de rouleau à pâte qu’elle avait habilement camouflé dans sa manche.